Indispensable d’être accompagné d’un guide pour visiter l’exposition Sophie Calle au Musée Picasso, sinon on risque de passer totalement à côté ou comme moi faire une réaction allergique qui m’emmènera sur des chemins critiques un peu décalés.
Tout d’abord le contexte : à l’occasion des cinquante ans de la disparition du peintre, Sophie Calle est invitée par le musée à le célébrer. Alors elle s’invite, investit la place avec son culot et son humour habituel, au point de le faire presqu’entièrement disparaître de son musée. Elle s’immisce même dans son nom « PiCalso » dont l’anagramme approximatif donne So/phi/Cal, le ton est donné Picasso est effacé, le vieux misogyne n’est plus là, l’artiste femme conceptuelle reconnue internationalement efface l’homme à la réputation sulfureuse dont l’œuvre atteint des prix exorbitants. Sommes-nous dans la « cancel culture » ? Difficile de dire quelles étaient les intentions de Sophie Calle tant elle a l’art de mêler le réel et l’imaginaire, la photo et l’écrit, le vrai et le faux, de réinventer sa vie, toujours est-il que le résultat est là : Picasso a disparu des quatre étages du musée.
J’imagine la stupeur des touristes non avertis, venus du bout du monde pour voir le portrait de Dora Maar, il leur faudra s’interroger devant les toiles du maître recouvertes de tulle, ou des simulacres de peintures emballées dont seul le titre subsiste. Et s’armer de patience pour lire les textes qui accompagnent les non-tableaux. Dans le premier cas on peut apercevoir la peinture à travers le tulle, et l’artiste a interrogé les habitués du musée - conservateurs, gardiens, gens d’entretien - à se remémorer les couleurs, les formes, et dire ce qu’ils retiennent du tableau escamoté, dans l’autre cas, même processus, mais avec seulement le titre du tableau sur le cartel qui l’accompagne. Exercice intéressant, qui confronte notre mémoire à l’oubli, à un vague souvenir, quelques détails ou rien du tout. ⤵️ ⤵️