Henry Hang est fier de son pedigree hip hop. C’est le moins que l'on puisse dire. Toujours danseur hip hop (il a commencé à danser en 1988) et graffeur à une époque, il maîtrise l’huile, l’acrylique, l’aquarelle et la bombe aérosol et peint sur tous les supports qu’il trouve : les murs, le toiles, les habits.
Venez à la rencontre de cet artiste passionné.
DG : Comment tu es rentré dans ce monde ?
HH :
Ma mère était photographe. J’ai grandi avec tout ça. J’ai fait des études de photographie quand j’étais plus jeune et développé les photos à la maison.
J'étais beaucoup attiré par le dessin de la BD. J’allais la bibliothèque, je regardais les BD, je recopiais, je refaisais tout. On allait au Louvre. J'étais partagé entre les grands peintres et la BD. J'ai mélangé les deux arts. J'ai commencé par le dessin. J'avais une vision photographique des choses et la façon dont je peignais était plutôt photographique.
Naturellement, j’aimais le hip hop, j’étais aussi danseur.
DG : Qu'est-ce qu’il y avait dans le hip hop qui te touchait?
HH :
Danser ! C’est ce qui m’a toujours le plus touché. J’étais danseur hip hop et je danse toujours. J’aime quand ça bouge, quand il y a beaucoup de mouvement. Quand on danse on est libre. C’est ta personnalité, ta culture, ta manière de bouger que tu ramènes et que tu transmets . C'est la culture que je transmets et cette liberté de créer chaque jour sans contrainte.
DG : La liberté est un mot qui revient souvent quand je parle aux street artistes.
HH :
Oui, c’est la liberté ! Tout ce qui est académique a un droit d’entrée soit à cause de l’argent parce que l’école coûte cher, soit il faut avoir le bagage intellectuel ou tout cela. Ce sont les contraintes qui font que certains ne peuvent pas y accéder facilement.
Avec le hip hop il n’y a pas de barrière : ni financier, ni social, ou autre. Avec le street art et avec le hip hop on est libre…de dessiner ce qu’on veut et où on veut. C’est la raison qu’on parle de liberté.
DG : Tu parles souvent de graff et graffiti. Pourquoi ?
HH :
Je parle beaucoup de graffiti parce que ça me rapproche de ce que j’ai vécu dans le hip hop et parce que le graffiti m’a amené à peindre aussi. Quand j’ai commencé à peindre on parlait de graffiti. Ce n’était pas de street art. Ce mot est venu plus tard. J’ai dû inventer un nouveau terme pour me définir. Je faisais du tag mais j’aimais peindre sur les toiles aussi. Ce que j’ai vu au Louvre m’intéressait beaucoup.
J’ai mélangé le hip hop et le graffiti. Quand on me demandait ce que je faisais, je ne pouvais pas dire que je faisais du hip hop parce ce n’était pas du hip hop et je ne pouvais pas dire que je faisais du graffiti parce que ce n’était pas du graffiti. J’appelais ce que je faisais du hip hop art.
Je n’arrive pas à dire que je suis dans le street art. Les gens sentent que je ne rentre pas dans ce cas. Je viens d’une branche de graffiti de la culture hip hop. On oublie souvent que le graffiti fait partie de cette culture. On peut dire que je suis en mode résistance : hip hop dans l’esprit du hip hop. Je parle du hip hop et d’être danseur hip hop. Je peins les danseurs et je fais du graffiti. Je danse et je peins. Je suis vraiment dans cette culture ! C’est très rare qu’on voit des artistes comme moi.
DG : Le hip hop est bâti sur quelles valeurs ?
HH :
C'est un métissage culturel. Au départ c’était du genre « peace and love." On peut venir de la France, d’Afrique du Nord ou d’un autre pays, on peut être Anglais ou Américain. On vient avec sa propre culture et on mélange les cultures pour donner la couleur du hip hop. On vient peut-être avec des problèmes familiaux ou des problèmes personnels mais on sait que son énergie négative sera transformée en énergie positive. On se bat avec son art en faisant les défis avec les autres toujours dans la paix. Ce sont les valeurs du hip hop.
DG : Tu « fais un lien entre l'écriture et la grammaire de l'art contemporain avec l'énergie du graffiti. » C’est quoi « l'écriture et la grammaire de l'art contemporain ? »
HH :
Il y a un côté classique en l’art contemporain et en la peinture contemporaine. Elle a une école et une manière de fonctionner propre à elle.
Je fais un pont qui permet aux gens d’admirer, même de comprendre ce que je peins. Je mélange les techniques de peinture classique et les techniques de graffiti. C’est-à-dire, j’applique cette manière académique de peindre sur mes œuvres tout en mélangeant une culture non-académique, l'esprit urbain de cette culture urbaine. Les deux peuvent se rencontrer sur la même toile.
DG : On parle du graffiti et de street art comme « le mouvement urbain fait d'une polyvalence et de la créativité. » Où est la rébellion dans tout ça ?
HH :
La rébellion vient surtout du fait qu’on n'est pas académique. Il n'y a pas d'école et on ne va pas suivre des codes stricts des écoles. On se rebelle sur les supports aussi : le mur. Qu’on peint sur un mur, il n'y a pas d'autorisation. On part, on le sent, on le fait. Peu importe ce qu’on met. Ce qui est important est qu'on le ressent.
C’est libre au spectateur de dire j'aime ou je n’aime pas, je comprends ou je ne comprends pas, j’adhère ou je n’adhère pas.
Même quand qu'on fait un tag sur un mur, on ne va jamais expliquer ce que ça veut dire. C'est celui qui connaît cette culture qui va savoir ce qui est écrit. Quand on parle de graffiti on parle plus de rébellion que de graffiti. Le street art est beaucoup plus accessible que le graffiti est plus facile à comprendre.
DG : Tu dis « mon art est à vivre ». Ce sont les autres qui vivent ton art quand ils le voient ? Ou c’est toi qui vit ton art en le faisant ?
HH :
il faut dire que c’est les deux. Je ne peins pas forcément que pour être dans une galerie ou dans un musée. Mon art est accessible et il est polyvalent. Je n’arrête pas sur un support. Je peins sur la toile, sur des objets, et sur les habits. On vit avec.
L’art n’est pas fait pour être enfermé. Tout est art : on peut être interpelé par la forme d’une flaque d’eau ou d’un nuage. Ça fait partie de la vie. Mon art aussi, il est à vivre. Il faut que les gens profitent de cet art. Autant je vais faire des prix qui peuvent être très chers autant je vais faire des prix qui peuvent être accessibles à tout le monde. Chacun a le droit de me demander selon son désir, selon son prix, selon ces choses. Je lui ferai profiter parce que ça le touche.
DG : Comment ton art est un art contre-courant ? Ce n’est pas contradictoire à dire que tu fasses un art contre-courant ? HH :
Effectivement, ça peut être contradictoire et je veux être contradictoire. Je ne rentre pas dans le cadre des graffeurs classiques. C'est ma volonté depuis longtemps : ne pas être enfermé avec la bombe aérosol et faire que les ponts et que les murs. Je ne voulais jamais faire que ça.
C'est la raison pour laquelle très, très tôt, j'ai peint sur les toiles alors que mes copains étaient encore sur les murs et taguaient sur les trames. J'ai dit OK, j'ai fait ça, mais je vais arrêter. Je savais que la plus belle des peintures, la plus forte des peintures est l’huile sur toile. Je me suis dit, je veux le top, je veux l’huile et après je vais revenir à la bombe. J'ai toujours navigué à contre-courant. J'ai toujours été à l’aise là où on ne m’attend pas. Pourquoi? Il faut toujours étonner les gens. Un artiste doit surprendre, et moi je veux surprendre. Il coûte très cher de surprendre, d’être mis un peu à part des fois mais c’est ma manière de vivre. Mon but n’est pas forcément de plaire à tout le monde. Mon but est le partage.
Quand les gens veulent comprendre la culture urbaine, le street art, ils vont sur internet. Mails il n’y a pas une histoire de street art, de graffiti ou de hip hop, il y a DES HISTOIRES. Il y a beaucoup de gens et chacun a son histoire. Ceci explique pourquoi les artistes parlent de la liberté. Quand on est libre on fait ce qu’on veut et c’est à cause de cela qu’il y a des histoires. J'ai débuté en peinture entre 1994 et 1997 et le graffiti plutôt en 1994. Je dansais du hip hop déjà en 1988. Les gens m’ont connu peintre et ils m’ont connu danseur. C’est mon histoire que je raconte, je ne suis qu’une version.
DG : Cette phrase décrit ta manière de peints « la peinture figurative s'appuie sur les bases de l'histoire de l'art classique, reprenant le mouvement du réalisme avec des œuvres fortement marquées par le bitume au rythme de la cadence du danseur. » Y-a-t-il des artistes classiques, contemporains, modernes ou de toutes sortes qui t’ont influencé plus que d'autres ?