Evelyne Lacoux • 14 novembre 2024

Qu'a voulu dire la photographe Charlotte Haslund-Christensen avec "WHO'S NEXT?"



L’expo photo « Who’s next ? », annoncée à la Galerie Canopy, ne m’inspire pas à priori. J’y vois des personnes prises à la manière anthropomorphique des commissariats de Police, méthode inventée par le français Bertillon à la fin du 19ème siècle. De quoi sont-elles coupables ? Qu’a voulu dire la photographe Danoise Charlotte Haslund-Christensen ?

Pour le savoir je me rends à sa conférence d’avant vernissage. Que j’ai bien fait de venir ! Ses explications, son enthousiasme éclairent ma lanterne.

Le projet date de 2009, mais continue à vivre au fil des ans. En 2009 Les Outgames (organisation issue des Gaygames) manifestation sportive et culturelle à destination des communautés LGBTQI+ (mais pas uniquement) a lieu à Copenhague. L’artiste fait appel à des volontaires pour participer à son projet artistique. Ils ne savent pas ce qu’ils vont faire hormis participer à un projet solidaire pour soutenir les personnes mises à l’index ou criminalisées dans 79 pays du monde en raison de leur orientation sexuelle. Elle les convoque sur deux jours au poste de police de Copenhague, leur fait subir le parcours d’un criminel dans les couloirs et bureaux dégradés du commissariat, leur fait enlever leurs bijoux, les boucles d’oreille et les met devant son appareil photographique qu’elle a relié au système de la police et qui délivre des photos d’identité de personnes fichées. Un ami à elle joue très sérieusement le rôle d’un policier.

L’artiste explique que sur deux jours seulement, les participants et elle-même ont trouvé cette expérience très éprouvante, et sont ressortis de là bouleversés.

Après, Charlotte a mis plus de 200 photos dans une boîte noire, - comme la boîte noire d’un avion-, où il est écrit « Who’s next » et ses coordonnées d’artiste. Elle confie les boîtes à des amis qui voyagent ou des agents d’organisations internationales de défenses des droits. Chaque personne se photographie avec la boîte dans un pays du monde et envoie la photo à l’artiste qui continue de recevoir ainsi des preuves de son impact à travers le monde. 

Ce dispositif est en fait une performance d’artiste destinée à nous faire réfléchir.

Ce qui est très intéressant, c’est qu’elle est partie du poème très connu du Pasteur Niemöller, d’où le titre « Who’s next ? », car en effet, vu la folie des hommes on ne sait pas quelles seront les victimes de demain, les criminalisés répertoriés par des cerveaux malades imbus de pouvoir. Il suffit de regarder dans l’actualité de ces jours-ci pour être convaincu que le pire est peut-être à venir. Même si depuis 2009 il y a eu des progrès : 63 états criminalisent encore l’homosexualité…                                     

Alors oui : Who’s next ?, Charlotte a bien fait de poser la question et de nous faire réfléchir à nos propres préjugés. 


Elle continue son travail d’artiste en filmant des gens de plusieurs pays à qui elle demande quelles sont leurs craintes et leurs espoirs. C’est le projet « Hope and Fear » qu’elle défend en ce moment, bientôt en Amérique du Sud.


Et pour conclure j’utiliserai sa réponse à une question peu délicate : « je ne fais pas ce travail pour être riche, mais je suis riche de faire ce travail ». Car elle aime les gens, ça se voit.

Merci à Charlotte de sa présence, de son sourire, qui s’accorde bien à celui de Marie-Line.

Merci à Canopy de nous faire découvrir une telle diversité d’artistes. 



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